Bulletins d'information sur les flambées épidémiques

Disease outbreak news - Mauritanie

13 novembre 2020

Aperçu de la situation

Le Ministère de la santé a informé l’OMS qu’entre le 13 septembre et le 1er octobre 2020, huit cas de fièvre de la Vallée du Rift (FVR), dont sept décès, ont été confirmés chez des éleveurs.

Description de la situation

Le Ministère de la santé a informé l’OMS qu’entre le 13 septembre et le 1er octobre 2020, huit cas de fièvre de la Vallée du Rift (FVR), dont sept décès, ont été confirmés chez des éleveurs. Les districts touchés sont Tidjikja et Moudjéria (région du Tagant), Guerou (région de l’Assaba) et Chinguetty (région de l’Adrar). La confirmation en laboratoire de l’infection par la FVR a été effectuée au moyen d’une transcription inverse suivie d’une amplification en chaîne par polymérase (RT-PCR) à l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP) de Nouakchott. Les patients infectés étaient âgés de 16 à 70 ans et comptaient une femme et sept hommes. Les sept décès sont survenus chez des patients hospitalisés présentant de la fièvre et un syndrome hémorragique (pétéchie, gingivorragie) ainsi que des vomissements.

Entre le 4 septembre et le 7 novembre 2020, 214 personnes au total ont subi des prélèvements et les échantillons ont été envoyés à l’INRSP pour y subir des tests de laboratoire. Au total, 75 personnes ont été testées positives à la FVR (RT-PCR et sérologie par titrage immunoenzymatique – ELISA). Des cas positifs ont été signalés dans 11 des 15 régions du pays : Brakna, Trarza, Gorgol, (à la frontière avec le Sénégal), Adrar, Assaba, Hodh El Gharby, Hodh El Chargui, Guidimaka (à la frontière avec le Mali) et Nouakchott Sud, Nouakchott Ouest et Tagant. La région du Tagant est la plus touchée (avec 38 cas sur 75, soit 51 %), les principales zones critiques étant les districts de Tidjikja et de Moudjéria. Jusqu’à présent, on dénombre au total 25 décès liés à cette flambée.

Des flambées ont également été confirmées chez les animaux dans les régions de l’Assaba, du Tagant, du Brakna, du Trarza, du Hodh El Gharbi et du Hodh El Chargui. Sur 557 échantillons animaux prélevés au 15 octobre 2020, les résultats ont montré que 74 chameaux, 52 petits ruminants et 12 bovins étaient positifs à la fièvre de la Vallée du Rift.

Action de santé publique

Depuis le début de la flambée, l’OMS collabore étroitement avec le Ministère de la santé afin de lutter contre la flambée actuelle et de suivre l’évolution de la situation épidémiologique.

L’OMS soutient les activités de santé publique suivantes, mises en œuvre pour faire face à la flambée :

  • Coordination et réunions techniques régulières entre les secteurs de la santé publique et de la santé animale
  • Coordination des activités de riposte à l’interface entre l’homme et l’animal dans toutes les régions touchées
  • Enquête épidémiologique
  • Renforcement des capacités de diagnostic
  • Préparation d’outils de communication
  • Mobilisation des ressources et de l’expertise

Des missions de terrain conjointes menées par des experts de la FAO, de l’OIE et de l’OMS sont prévues pour soutenir le Ministère de la santé et le Ministère du développement rural dans leurs activités de prévention et de lutte contre les flambées de FVR, en particulier en ce qui concerne les capacités de laboratoire, la surveillance et la communication sur les risques aux diverses populations à risque, et sur d’autres aspects selon le principe « Un monde, une santé ».

Évaluation du risque par l’OMS

L’épidémie de COVID-19, qui dure depuis février 2020, exerce des pressions sur les services de santé et sur les activités de l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP). La demande d’analyse des échantillons de COVID-19 est forte, ce qui restreint les capacités de traitement des échantillons provenant d’autres pathologies. La levée des mesures de confinement relatives à l’épidémie de COVID-19 et des restrictions sur les voyages à l’étranger a entraîné une augmentation des mouvements de population vers les zones rurales à la recherche de produits animaux (comme le lait et la viande).

La Mauritanie a connu précédemment plusieurs flambées de FVR, notamment six flambées majeures (en 1987, 1998, 2003, 2010, 2012 et 2015) qui ont touché plusieurs départements des régions du Brakna, du Tagant, de l’Assaba, de l’Adrar, de l’Inchiri, du Trarza, du Hodh Elgharby et du Hodh El Chargui. La flambée actuelle qui touche l’homme et les animaux s’est produite après des pluies abondantes, inhabituelles et prolongées dans les régions à forte densité animale, ce qui a contribué à la prolifération des vecteurs et à la propagation du virus. Pendant la saison chaude, les populations passent plus de temps dans les zones rurales où il y a des antécédents de transmission de la FVR, et se reposent la nuit en plein air. Cela pourrait constituer un facteur de risque supplémentaire d’exposition aux moustiques et aux autres vecteurs de la maladie. Il est probable que le changement de saison de novembre à février (saison tempérée) limite la transmission de la maladie en réduisant la prolifération des moustiques.

La Mauritanie est un pays majoritairement (77 %) aride ou semi-aride et le déplacement des animaux à la recherche d’eau et de pâturages accroît le risque de propagation de la maladie. Les mouvements pastoraux transfrontaliers non contrôlés augmentent eux aussi le risque de propagation régionale de la maladie au Sénégal, au Mali et au Maroc. La coopération entre pays voisins joue donc un rôle essentiel dans la surveillance, la prévention et la lutte contre la FVR.

Les personnes qui ont un contact direct ou indirect avec des animaux infectés ou avec le sang ou les organes d’animaux infectés dans les régions d’endémie de la FVR sont plus exposées au risque d’infection. Il peut s’agir d’éleveurs, d’agriculteurs, d’employés d’abattoirs, de vétérinaires et d’autres personnes qui travaillent avec des animaux et des produits d’origine animale.

À ce jour, aucune transmission interhumaine de la FVR n’a été documentée.

Le risque au niveau national est considéré comme élevé : cette épidémie représente un risque élevé pour la santé humaine, avec un taux de décès de 33 % (25 sur 75) au 31 octobre 2020. La confirmation de la circulation du virus chez les animaux à partir de plusieurs flambées pose un grand risque d’infection humaine. Cette épidémie présente une large émergence géographique et se déplace par les mouvements d’animaux dans les zones agro-pastorales au niveau national.

Au 7 novembre 2020, 11 régions sur 15 étaient touchées par l’épidémie. Le système national de surveillance de la santé humaine est confronté à des défis opérationnels allant de la détection précoce à la notification des cas. Les mesures de soutien sont insuffisantes. La forte létalité serait liée à l’orientation tardive des patients présentant des symptômes sévères, qui sont admis dans des structures de prise en charge dont les moyens sont limités.

Le risque global au niveau régional est modéré : le risque de propagation au niveau régional est réel compte tenu des conditions favorables de propagation des vecteurs (fortes pluies, prolifération des vecteurs, inondations, manque d’assainissement), de la densité animale et des mouvements incontrôlés de bétail entre les régions et les pays frontaliers (Mali, Sénégal, Maroc).

Conseils de l’OMS

La fièvre de la Vallée du Rift (FVR) est une zoonose transmise par les moustiques et liée à l’environnement qui touche principalement les animaux domestiques (bovins, ovins, camélidés et caprins, notamment). Les cas humains surviennent souvent à proximité des flambées chez le bétail, dans un environnement favorable à la transmission locale du virus par les moustiques vecteurs. La plupart des infections humaines résultent d’un contact direct ou indirect avec le sang ou les organes d’animaux infectés. Des précautions doivent être prises lors de contacts avec des animaux ou des patients malades, ainsi qu’avec leurs produits et les échantillons de laboratoire. Les campagnes d’information sur les facteurs de risque de transmission de la FVR ainsi que les mesures de protection, comme la lutte antivectorielle et la protection contre les piqûres de moustiques, sont essentielles pour réduire le nombre d’infections et de décès chez l’homme. Les messages de santé publique visant à faire reculer les risques doivent être axés sur les points suivants :

  • Diminution du risque de transmission de l’animal à l’homme résultant de pratiques dangereuses d’élevage et d’abattage. Cela implique de respecter les règles d’hygiène des mains et de porter des gants et d’autres équipements de protection adaptés lors de la manipulation d’animaux malades ou de leurs tissus, ainsi que durant l’abattage
  • Diminution du risque de transmission de l’animal à l’homme résultant de la consommation de sang frais et de lait ou de viande crus. Ceux-ci doivent être soigneusement cuits avant d’être consommés
  • Réduction du risque de piqûres de moustiques, grâce à la mise en œuvre de mesures de lutte antivectorielle (pulvérisation d’insecticides et utilisation de larvicides pour éliminer les zones de reproduction des moustiques), utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide et de produits répulsifs, port de vêtements couvrants
  • Éviter les activités de plein air aux heures où les espèces vecteurs piquent le plus

Étant donné que les flambées animales de FVR précèdent les infections humaines, la mise en place d’un système de surveillance active de la santé animale est essentielle pour pouvoir alerter rapidement les services vétérinaires et les autorités de santé publique. La vaccination systématique des animaux dans les zones d’endémie peut prévenir les épizooties de FVR. Les campagnes de vaccination ne sont pas recommandées pendant une flambée car elles peuvent intensifier la transmission dans un troupeau suite à la propagation du virus via le réemploi d’aiguilles pour vacciner. C’est pourquoi l’éducation du public, la mise en quarantaine du bétail et l’interdiction d’abattage constituent peut-être les mesures les plus efficaces contre la propagation de la maladie avant et pendant la flambée.

Sur la base des informations actuellement disponibles sur cet événement, l’OMS déconseille d’appliquer à la Mauritanie ou aux zones touchées des restrictions aux voyages ou au commerce.

Pour de plus amples informations sur la fièvre de la Vallée du Rift, veuillez consulter les liens ci-dessous :